Quand le coiffeur fait vendre

Taille du texte: A A A

Un produit accompagné d’un nom ou du visage d’un professionnel représente une garantie de qualité supplémentaire pour les clients. Comment, de la marque au créateur, ils capitalisent sur un savoir-faire et une expertise… Comme si le coiffeur était enfermé dans le flacon.

Partout, les publicités des produits capillaires mettent en avant les coiffeurs et leur savoir-faire. Comme s’ils étaient les garants de la qualité d’une couleur, d’un soin ou d’un shampooing. L’idée n’est pourtant pas bien nouvelle : chez L’Oréal Professionnel, cela fait déjà une vingtaine d’années que les Coiffeurs Ambassadeurs viennent soutenir les sorties de la marque et jouent les faire-valoir (lire interview L’Oréal).

Ces partenariats ne sont plus l’apanage des grands groupes cosmétiques. De plus en plus de sociétés mettent en place des partenariats sur leurs produits. Un moyen essentiel d’exister et de se faire repérer dans les rayons saturés.

« Aujourd’hui, un produit seul n’a aucune valeur. Toutes les marques sont bonnes, mais ce qui va apporter de la valeur ajoutée, c’est le nom et le savoir-faire d’un coiffeur », explique Bruno Mocher, fondateur de Generik, marque de produits capillaires étiquetée « low cost ». Pour se démarquer, il faut proposer du nouveau, de l’ingénieux, voire de l’étonnant (lire interview Générik).

L’année dernière, Generik lançait L’Huile du Cheveu. Apposée en évidence sur l’élégant flacon, la mention « Coloré par Rodolphe » crée la différence. Car, pour qui est un peu connaisseur, il n’y a pas de doute, c’est bien Rodolphe, le coloriste-artiste qui sublime les couleurs des stars – de Sophie Marceau à Jodie Foster, en passant par Laeticia Hallyday – qui a créé le produit. Marque low cost et coloriste renommé ? L’équipage a le don de surprendre, d’éveiller la curiosité et… de provoquer l’achat ?

Generik commercialise L’Huile du Cheveu à un prix accessible : 35 euros pour un flacon de 100 ml. Pour l’instant, la marque ne tire aucun bénéfice financier du produit. Le partenariat, établi pour une durée de trois ans, est gagnant-gagnant. Car de son côté, Rodolphe, qui n’a pas besoin de rendre son image plus glamour, a gagné encore en crédibilité auprès de ses pairs.

« Grâce à cette démarche, je suis passé d’un statut de coloriste à celui de créateur, affirme-t-il. Cette collaboration m’a sorti de mon traintrain. C’est aussi un moyen de populariser ma marque, de la faire descendre dans la rue. Elle, qui est marginale, élitiste, devient abordable et se fait connaître partout en France. » On lui souhaite en tout cas autant de succès que son modèle en prêt-à-porter !

Avant de se lancer dans l’aventure, Rodolphe a étudié le « plus coiffeur », apporté à un produit soutenu par un professionnel reconnu. Selon le coloriste, les coiffeurs sont intéressants dans un plan marketing, par leur proximité et leur connaissance des clients.

«Notre savoir-faire fait rêver. Nous avons des rapports personnalisés, presque intimes avec nos clientes, expose le coloriste. Elles nous écoutent, suivent nos conseils et se livrent à nous. Au fond, le souhait de chacune est d’être belle et elles savent que nous avons ce pouvoir ! »

Huile du Cheveu Coloré par Rodolphe, de Generik.

Parole de cliente… Clémentine, qui va régulièrement chez le coiffeur pour entretenir sa couleur, est sensible à la qualité des produits. C’est, en langage commercial, « une bonne cible ». « J’évite d’acheter mes produits capillaires en grandes surfaces, quand ça m’arrive, c’est du dépannage et je ne prends jamais de marque inconnue, explique-t-elle, c’est peut-être idiot, car les jus doivent venir tous plus ou moins de la même source, mais, en même temps, je me dis que je ne mets pas 100 euros dans ma couleur pour qu’elle parte à cause d’un shampooing trop abrasif. »

Cet atout majeur pour la vente d’un produit, les coiffeurs l’ont bien compris. Ils sont de plus en plus nombreux à lancer leur propre gamme, dans les salons et grandes surfaces notamment, sous nom propre. « Il y a deux cas de figure, explique Patrick Ahmed, qui a lancé sa gamme de produits Medley, en partenariat avec Eugène Perma, il y a quelques années. Soit le coiffeur lance sa gamme parce qu’il veut se faire plaisir en ayant sa propre déclinaison produits, ou c’est un vrai projet de développement et il s’arrime à un partenaire solide. Dans le premier cas, la marque vivote et finit par disparaître à un moment ou à un autre. »

Medley comportait une dizaine de produits commercialisés chez les coiffeurs et dans les magasins Printemps. Un concept avait été créé, avec une nouvelle segmentation, une gamme énergisante, hydratante ou « urban défense » antipollution. La gamme n’est pour l’instant plus commercialisée.

« Nous sommes en stand by, explique Patrick Ahmed, mais je ne suis absolument pas échaudé par l’expérience, j’aimerais relancer le produit en étant sûr d’être visible et d’avoir également une communication solide, car la coiffure et la vente, ce n’est vraiment pas le même métier. »

Face à une cliente de plus en plus exigeante, un produit se doit d’être le prolongement du salon. Les coiffeurs qui lancent leur marque en leur nom propre prennent également des risques…celui de créer l’insatisfaction chez la cliente notamment, pour un produit qui ne tiendrait pas toutes ses promesses.

La technique pour que cela ne rejaillisse pas trop sur la réputation du coiffeur ? Être présent du début à la fin de l’élaboration et être extrêmement précis sur le cahier des charges que le soin doit remplir. C’est ainsi que Christophe Robin (lire article lié) a connu un deuxième succès, en plus de ses talents de coiffeur. Au départ, il a pratiquement tenu les éprouvettes pour parvenir au résultat que l’on connaît avec son masque au citron.

« Derrière le produit, il faut qu’il y ait une véritable organisation, définit-il, avec des gens sur la route, prêts à se battre pour placer le produit, je déconseille aux collègues de se lancer dans l’aventure s’ils n’ont pas mûrement réfléchi avant. Nous sommes de bons artisans, mais nous sommes de très mauvais vendeurs, il faut donc une équipe de vendeurs, et une véritable coordination. »

Résultat : sa gamme de produits n’en finit pas de s’étendre, Christophe Robin enregistre aujourd’hui 200 points de vente, ses clients sont des coiffeurs, mais également des magasins haut de gamme, type Colette et Le Bon Marché à Paris.

Christophe Robin

Si certains ont choisi de rester sur un segment très professionnel, d’autres au contraire ont opté pour les grands rayonnages, et s’étalent dans les grandes surfaces. Les produits « dérivés » des grands coiffeurs se doivent alors d’apporter, au domicile de chaque cliente, la qualité des produits utilisés par leur coiffeur en salon… Le tour de main du professionnel en moins. C’est une garantie, un label, pour le consommateur qui fait plus volontiers confiance à l’étiquette qu’au contenant de la bouteille.

À l’image de Jean Marc Joubert (lire article lié) qui a lancé Jean Marc Coloriste. « Je ne suis pas là pour occuper tout le segment de la coloration en grande surface, raconte le coiffeur. Je souhaite juste apporter mon savoir-faire, ma caution professionnelle avec une sélection de produits face aux industriels. » Un choix, une stratégie quasiment « politique » pour lui.

« J’ai choisi de travailler autrement. Nous sommes constamment sollicités par les médias, les clients, et même les industriels, pour donner notre avis sur des produits. Autant lancer les nôtres et être disponibles aussi en supermarché pour les clientes. » Une autre manière de démocratiser son art.

La carte du savoir-faire

Se spécialiser

Pour que le savoir-faire du coiffeur se transforme en véritable atout de vente, mieux vaut qu’il se spécialise. Couleur, brushing, chignon… Plus le professionnel sera pointu et reconnu dans un domaine, plus son expertise sera recherchée et son conseil pro deviendra alors un vrai avantage marketing. La notoriété est bien évidemment un gros plus dans cette démarche.

Miser sur la nouveauté

Que ce soit pour la revente en salon ou pour lancer sa propre gamme, le savoir-faire du professionnel est capital. Car les clients sont de plus en plus avides de produits dignes de ceux qui sont utilisés en salons. Mais pour pouvoir exister ou conseiller parmi la myriade de produits capillaires, il faut tirer son épingle du jeu. Prix, composition ou encore présentation… une seule solution : l’innovation.

Rester à l’écoute

La carte maîtresse du coiffeur, c’est sa proximité avec la cliente. Son expertise et ses conseils seront d’autant plus gagnants s’il connaît précisément les besoins de cette dernière.

Catégories: Actualités