Les barbières contre-attaquent. Episode 2.

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Longtemps réservé à la gent masculine, le métier de barbier se féminise. Choix de cœur ou choix stratégique face à l’engouement ? Vocation ou aubaine ? Ces femmes ont décidé de faire des coupes césar, taper Fade, mulet ou fondu et de la taille de barbe leur quotidien, se spécialisant dans la coiffure homme. Quasi disparu dans les années 90, le barbier et ses outils tranchants sont plus cool que jamais. Alors pourquoi ne s’accorderait-il pas au féminin ? Les mentalités ont changé, aussi bien du côté des consommateurs que des professionnels. Il faut dire que le secteur est en plein essor, et selon les experts, il n’a pas fini de nous surprendre. Biblond est parti à la rencontre de celles qui renouvellent le métier. 4 barbières prennent la parole.

Virginie Broucquart @viviiii59

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

J’ai démarré un CAP en école privée puis un BP coiffure en alternance dans un salon mixte à Saint-André-lez-Lille où je suis restée 7 ans.

Comment êtes-vous devenue barbière ?

J’ai décidé de me spécialiser dans la coiffure masculine et plus particulièrement dans la barbe. Pour cela, j’ai postulé dans un salon de barbier à l’ancienne avec les protocoles-types du métier (serviette chaude, froide, huile…). Désormais, à 31 ans, je suis chez MAN-U-Kure à Lomme, près de Lille. J’ai découvert la coiffure masculine au fil de mes expériences. C’est devenu une évidence pour moi. Dès lors que j’ai pu tailler une barbe, mon métier est devenu une passion et une vocation.

Comment s’impose-t-on en tant que femmes dans ce milieu masculin ?

S’imposer en tant que femme n’est pas facile. Surtout quand on s’entend dire au quotidien : « Vous êtes une femme, vous n’avez pas de barbe. Comment pouvez-vous savoir ce que l’on veut ? » Je me délecte de répondre : « Qui sont les plus grands coiffeurs pour dame, les plus grands stylistes ou les plus grands cuisiniers ? » Finissons-en avec les métiers genrés ! La vocation et la passion avant tout. Si le résultat est là… La mise en compétition sur les concours est un challenge mais une fierté pour moi. Pouvoir montrer aux hommes que le niveau est là. Et même les surpasser !

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre métier ?

Le contact avec mes clients puis leur sourire en fin de prestation. Il en dit long ! Mettre en avant leur pilosité faciale et répondre à leurs attentes. Puis leur expliquer l’entretien au quotidien. Le partage.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

J’aimerais devenir une des femmes barbières ambassadrice pour Biblond. Je tente ma chance, sait-on jamais (rires) ? J’aimerais surtout ouvrir mon salon de barbier à l’ancienne car je souhaite transmettre mes valeurs, mon expérience et ma philosophie de travail comme je le fais déjà aujourd’hui avec mon apprentie, Reine-Camille. Mon patron Vincent nous guide au quotidien. Il n’est pas coiffeur mais barbu. Depuis plus de 20 ans, il a mis en place son propre protocole de barbier au salon.

Comment expliquez-vous qu’il y a de plus en plus de femmes barbières ?

En effet, le métier se conjugue aussi au féminin. Girl power ! La barbe met en lumière le visage d’un homme et qui mieux qu’une femme pour donner son avis

Comment reste-t-on au top ?

Le secret ? Se former entre confrères, utiliser de nouvelles techniques et de partager ses expériences et ses « petites trucs » entre nous.

Vos modèles dans le métier ?

Depuis peu, Hayden Cassidy pour les coupes tendances. Je l’ai découverte au MCB et je suis une vraie fan. Pour les barbes, je m’inspire de Thierry Bordenave et de différents barbiers sur Instagram.

L’avenir ?

Je souhaite me démarquer dans le monde de la barbe grâce à mon style, ma technique et ma passion. Et pourquoi pas devenir gérante d’une franchise de mon patron ?

Lucie Bouteila @holycut.bordeaux

Pouvez-vous vous présenter et nous raconter votre parcours ?

En découvrant plusieurs pratiques manuelles, j’ai eu un coup de cœur pour la conception de vitraux. Dans le même temps, j’ai toujours été attirée par la coiffure pour son côté très technique et artistique. J’adorais regarder mon coiffeur me transformer : ayant eu les cheveux longs pendant des années, j’ai adopté la coupe courte dans ma vingtaine.

À l’école de coiffure, j’ai appris très vite et j’ai tout de suite adoré réaliser des coupes courtes. Ayant trouvé ma vocation, j’ai préparé mon BP en alternance dans un salon branché et novateur de Bordeaux. J’ai pu me spécialiser dans les techniques de coupes et notamment les coupes courtes, très demandées au salon, que ce soit pour les hommes ou pour les femmes. Puis je me suis intéressée aux tailles de barbes et j’ai décidé d’apprendre seule, en regardant des formations en vidéos.

Pour parfaire ma technique, j’ai rejoint un barbershop en 2016. J’y ai appris les différentes techniques de taille de barbe et je me suis construit une clientèle masculine très fidèle. Au fil de mes expériences, je remarque l’injustice des tarifs genrés. J’observe aussi que les femmes ainsi que les personnes trans et non-binaires peinent à trouver leur place en salon ou en barbershop. En constatant ce manque d’inclusion et d’égalité, une idée émerge… 3 ans après, en 2019, je décide de me lancer seule à 30 ans et d’ouvrir un salon qui me ressemble, et qui défend mes valeurs en prônant la parité des genre, Holy Cut.

Pouvez-vous nous parler de votre concept ?

Holy Cut, premier salon bordelais aux tarifs non genrés a ouvert en janvier 2020. Ce salon, spécialisé dans les coupes courtes, s’adresse autant aux hommes qu’aux femmes. Mon ambition : permettre à toutes et à tous de bénéficier de tarifs uniquement basés sur la longueur des cheveux, la technique de coupe employée et le temps passé à la prestation. En créant ce salon, j’ai souhaité avant tout offrir un espace où bienveillance et tolérance vont de pair, pour accueillir mes clientes et clients dans un environnement respectueux et inclusif.

Comment s’impose-t-on en tant que femmes dans ce milieu masculin ?

Je pense que chaque personne « s’impose » à sa manière. Pour ma part, j’ai imposé ma personnalité, mes compétences, mon style, ma passion et ma détermination à travers des moments passés avec la clientèle, des attentions, des coupes réalisées, des rencontres.

Qu’est-ce qui vous plait dans votre métier ?

Lors d’un premier rendez-vous avec moi, j’observe et j’écoute les envies, craintes et besoins du client ou de la cliente. Je m’attache à répondre à sa demande, tout en rajoutant de la création, j’y mets ma patte, cette petite touche en plus. Ce qui me procure le plus de satisfaction c’est quand le client accepte la coupe que je lui propose et à laquelle il n’avait pas pensé ! J’adore la confiance que l’on m’accorde. Ce métier me permet d’exprimer toute ma créativité et de me sentir libre de le faire et d’être moi-même.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

Charles De Gaulle disait « l’avenir n’appartient pas aux hommes ». Appartiendrait-il donc aux femmes ? L’avenir, je le vois beau et grand. En créant un salon au concept particulier et unique à Bordeaux, j’ai déjà réussi, et je compte bien continuer cette belle aventure.

Comment reste-t-on au top dans le domaine du barber ?

On se remet en question, on se documente, on se forme sans cesse, entre collègues, avec les réseaux et vidéos, en suivant des formations en lignes ou en présentiel et à travers les rencontres que l’on fait.

Quelles sont vos sources d’inspirations ?

J’admire les barbiers étrangers, anglais, russes, arabes, américains et canadiens. De par leur culture, leur philosophie, leur technique, la qualité de leur travail et leur communication sur les réseaux sociaux. Je suis également plusieurs barbières comme Hayden Cassidy, Sofie Pok « Staygold ».

Des actus à mettre en avant?

Je recrute un collaborateur qui aimerait rejoindre l’aventure Holy Cut. A bon entendeur !

Sandrine Favari @sandrine_favari_

Pouvez-vous vous présenter ?

Favari Sandrine, coiffeuse passionnée, dans la région du grand est. J’ai commencé à me rapprocher du domaine de l’homme et du barber qu’à mes 30 ans c’est à dire il y 11 ans. La coupe homme m’a attirée dès mes débuts. Toutefois, je me suis investie, pendant 10 ans, dans le perfectionnement de la coiffure femme. Devenue formatrice pour la coopérative des coiffeurs (CAC), je suis revenue à mes premiers amours, le domaine de l’homme, avec un objectif : perfectionner, pouvoir décortiquer chaque mouvement, leur donner un sens, un résultat, une fonction. J’aime connaitre le pourquoi du comment et comprendre.

Qu’est-ce qui vous plait dans la coiffure masculine ?

J’adore le fait que l’erreur ne peut être commise. Être la plus perfectionniste possible, toujours viser l’excellence du geste pour un résultat à sa hauteur. Mon métier est une vocation de toujours, dès mon plus jeune âge j’ai été attirée par la matière, pouvoir la transformer, la sublimer. Le côté humain est venu par la suite.

Comment s’impose-t-on en tant que femme ?

On ne s’impose pas en tant que femme dans ce milieu masculin. Nous sommes avant tout des professionnels. Les clients comme nos collègues nous considèrent dès lors que notre travail est bon. Personnellement je n’ai jamais rencontré des difficultés. Il y aura toujours des préjugés de certains mais ils sont peu. Et je ne prête aucune importance à ces personnes.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

Il faut être confiant, ne rien lâcher et avancer avec son temps. Les Français ont du mal à changer leurs habitudes. Il faut être à l’écoute et rebondir à chaque instant, à chaque évolution. Le monde change. Les femmes sont de moins en moins rangées dans des cases. Les mentalités ont évolué. Les femmes font le métier qu’elles veulent et non celui qui lui a été prédéfini par leur féminité. Cela évolue aussi dans d’autres domaines et heureusement !

Comment reste-t-on au top ?

Il ne faut jamais se dire : c’est bon, je sais tout ! Se perfectionner, se former, avoir du recul sur son travail, s’inspirer d’autres cultures, rester curieux de tout, et vouloir toujours faire de son mieux. Voilà pour moi comment on reste au top dans le domaine du barbier et du coiffeur en général.

Vos sources d’inspiration ?

Elles sont partout. S’ouvrir au monde, à la bienveillance des gens, à ce côté positif du professionnel. Je m’inspire partout autour de moi, sur les réseaux mais aussi au gré des mes rencontres lors de mes formations. Mes modèles, ce sont les personnes qui véhiculent une bonne énergie autour de ce beau métier.

France Cadillac @france.cadillac.barber

Pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

France Cadillac, 28 ans. Je n’avais pas le profil de la coiffeuse, souvent considérée comme une femme qui prend soin d’elle. Moi, j’étais un peu masculine, je faisais du sport. CAP, BP et Brevet de Maitrise… Je voulais avoir un diplôme qui me permette d’enseigner. J’avais déjà l’ambition de former. J’ai fait mon apprentissage dans un salon de coiffure qui proposait aussi des prestation massage et spa. Nous avons développé un stand barber au sein du salon. Pour cela, je me suis formée auprès de vieux barbiers.

A l’époque, il y en avait encore peu. Je suis la première génération qui a vu le BP changer, quand ils ont mis la barbe plutôt que le chignon. J’ai participé au concours Hair Challenge en 2013 avec mon patron Romain avec qui j’ai travaillé pendant 8 ans dans son salon Un R de détente à Albi. Puis, je suis partie à l’étranger pour me former. A Barcelone dans un premier temps puis à Majorque pour peaufiner ma maitrise de la langue. J’ai œuvré de shop en shop, formé. Puis Londres. Mais comme j’avais rencontré quelqu’un à Majorque, j’ai eu envie de faire quelque chose là-bas avec cette personne. En 2000, j’avais besoin de nouveau donc je me suis lancée comme barbière pour riches. J’allais dans les bateaux et sur les yachts. Personne ne proposait ce service sur le port. Finalement, ce qui devait durer 3 mois dure encore aujourd’hui.

Pouvez-vous nous présenter votre concept ?

Nous avons développé un barbershop mobile pour ne plus avoir déplacer un fauteuil de 90 kg et tout le matériel. Nous pouvons ainsi nous déplacer pour proposer nos services partout, dans les hôtels, les mariages, les golfs ou sur les yachts. J’ai été coupée dans mon élan – une envie féroce de voyager – par la crise sanitaire. De retour à Albi, je développe donc mon concept avec l’aide d’un incubateur. Des coiffeurs peuvent nous rejoindre. Pour le moment, nous sommes 3. Mais pourquoi pas développer un réseau de franchise autour de notre concept-store mobile, Cadillac Barber ?

Nous avons déjà créé le fauteuil de barbier mobile, facile à transporter. Nous nous concentrons sur la fabrication des équipements. J’aimerais pouvoir transmettre par la suite mon savoir au réseau. Puis repartir à l’aventure. J’ai la bougeotte. Le fauteuil peut être mis dans un avion. Continuer à apprendre, bouger, faire et inventer des choses. Malgré moi, l’innovation m’attire. J’ai besoin de créer. Le fauteuil de barbier transportable peut être un levier de financement pour la franchise qui nous aiderait à propulser ce projet.

Qu’est-ce qui vous plait dans la coiffure homme ?

Je n’ai jamais fait de marche arrière en revenant à la coiffure mixte ! Je ne coiffe plus les femmes. J’ai compris que mon domaine, c’est le barbier. Ce n’est ni la même clientèle, ni le même lieu. J’adore les hommes, ils me font rire. C’est un milieu d’homme, avec une manière d’être plus directe, plus concrète mais aussi plus simple. Quant au travail en salon, ça n’a rien à voir. C’est très dynamique. Les prestations vont vite. On peut voire 10 ou 12 clients par jour. J’aime aussi la précision et la minutie que ce métier impose. Sculpter une barbe ou une coupe… Enfin, c’est un métier que me fait voyager. C’est délirant. Tu te poses un moment avec quelqu’un, tu partages un moment d’intimité. C’est un moment court et dynamique. Mes clients sont mes amis. Bref. C’est un métier qui rassemble beaucoup de choses que j’aime. Je suis à ma place.

Est-ce difficile de s’imposer en tant que femme ?

Pour ma part, pas du tout ! J’ai même travaillé dans un réseau de barber shop turc. Nous étions 120… Et 2 femmes ! Certes, au début, on nous regarde un peu de haut. Mais quand on prouve nos compétences, on est adoptée. Je suis même devenue la chouchou, choyée ! Je ne dis pas que les femmes ne sont pas regardées différemment. Mais je sais couper et je sais parler aux hommes. J’ai une assurance qui évite toute ambiguïté.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

La coiffure homme a de beaux jours devant elle. J’avais réalisé un sondage et sur une classe, la moitié voulait prendre la spécialité « barbier ». Il y a 10 ans, on était 3 dans ma classe. Face à la demande grandissante, cela a créé des vocations. L’homme d’aujourd’hui veut prendre soin de lui. Et il se reconnait mieux dans la nouvelle génération de coiffeurs, plus virile. Preuve de ce changement ? Beaucoup d’hommes veulent désormais faire ce métier. Mais aussi des femmes qui, comme moi, ont commencé par la coiffure mixte.



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