Le complexe de l’entrepreneur

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Quand j’ai décidé d’être coiffeur, tous les membres de ma famille l’étaient déjà. Ils m’ont donc encouragé, à 16 ans, à m’inscrire à l’école de coiffure de ma ville. On m’a alors expliqué qu’il me fallait passer un CAP pour être coiffeur confirmé.

Au bout de deux ans, le diplôme en poche, me voilà donc coiffeur ! Mes collègues, mes parents me répètent : « il faut passer le Brevet professionnel pour être ‘’patron’’ ». Du haut de mes 20 ans, j’aime bien cette idée : deux ans de plus, et me voilà le chef ! Me voilà donc reparti à la conquête de ce sésame…

Après avoir décroché la partie théorique, ma joie allait être de courte durée… j’échouais à la pratique ! Et pourtant, toutes mes clientes me demandaient « quand montez-vous votre propre salon ? » Je me représente : mêmes résultats… Incroyable ! J’avais pourtant une grosse clientèle. J’ai commencé à penser que si l’on n’ouvre pas son propre salon, c’est un peu comme avoir tout raté.

D’ailleurs, bon nombre de mes collègues ouvraient leur premier salon à 22 ans. La troisième année : raté d’un point ! J’ai alors décidé de quitter ce pays qui ne veut pas que je sois coiffeur, pour aller en Angleterre, là où l’on vous accepte si vous montrez ce que vous savez faire. J’ai pu me concentrer sur mon métier et toutes ses facettes. Et j’ai compris qu’en France je n’avais pensé qu’a courir après un papier qui faisait croire que…

Le BP, un examen qui date de l’après-guerre… Il servait à réglementer l’utilisation des produits chimiques en coiffure. Mais depuis qu’ils sont en vente en libre-service, depuis que les grossistes ouvrent leurs portes au public, depuis que 10 000 coiffeurs « déclarés » à domicile peuvent faire sans, depuis que l’on peut contourner la loi en se qualifiant de « relookeur ou conseiller en image », où est donc la légitimité de cet examen ?

Le système actuel pousse à faire croire que l’on peut et que l’on doit tous entreprendre au lieu de limiter le nombre de salon. Obtenir le BP encourage à ouvrir un salon. Le résultat est alarmant… 40 % des patrons coiffeurs ne gagneraient que le smic en étant seul dans leur salon… Ne pas ouvrir son salon n’est pas un échec, je connais nombre de coiffeurs qui ont fait carrière chez d’autres et qui gagnent ainsi mieux leur vie.

Pourquoi ne pas supprimer cet examen ? Les jeunes doivent apprendre à être fidèle à un salon, ils doivent faire ce métier pendant une dizaine d’années sans interruption avant d’ouvrir le leur. Cela laisserait le temps de réfléchir, limiterait naturellement le nombre de salons et rendrait le recrutement plus riche… C’est une utopie et un danger de penser que l’on peut préparer nos jeunes de 16 ans à être des coiffeurs confirmés et de bon chefs d’entreprise en quatre ans. Et vous, qu’en pensez-vous ?


Stéphane Amaru

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