Juniors , seniors, coloristes, coupeurs, barbiers, coiffeurs studio, patrons, managers… Nos ambassadeurs représentent un joli pêle-mêle des acteurs de la coiffure. C’est pour cela que nous avons voulu les interroger sur des sujets divers et variés, chers à la profession. Aujourd’hui, Anaïs Royer, barbière au salon La Loge et formatrice à La loge Academy à Annecy, maquilleuse et diplômée en communication, marketing et graphisme, et Laura Loureiro, manageuse à l’Espace Figaro by Medley à Saint-Dié-des-Vosges, répondent à nos questions sur une problématique qui pourrait se développer à l’avenir, la location de fauteuil.
Comment envisagez-vous la location de fauteuil en salon ?
Laura : Pour moi, c’est l’avenir et c’est un modèle qui sera de plus en plus répandu. La nouvelle génération ne veut plus être attachée à un point particulier. Les tatoueurs font plein de « guest », alors pourquoi pas nous ? Cela consiste à inviter un artiste à travailler hors de son studio pendant une certaine période.
Anaïs : Pour moi, cela peut être un vrai partenariat « gagnant-gagnant ». À condition que cela soit bien encadré juridiquement. Les jeunes veulent être indépendants sans pour autant créer leur salon. La location de fauteuil est la solution intermédiaire, dans les grandes villes notamment. Mais ce statut doit être perfectionné d’un point de vue juridique.


Quels sont selon vous les avantages pour un salon ?
Anaïs : Cette solution est parfaitement adaptée au milieu artistique de la beauté. Avant tout, pour un propriétaire de salon, c’est la certitude d’avoir une clientèle qui entre dans le salon. Le locataire a pris ses rendez-vous en amont. Le patron n’a alors pas besoin de recruter. Cela évite un supplément de charges patronales.
Laura : Au-delà de cet avantage financier important, cela permet de libérer des points noirs de la gestion d’une équipe. Manager, c’est très compliqué ! Le conflit des vacances, par exemple, tu t’en libères. L’idée est donc de faire venir un indépendant dont tu aimes la ligne conductrice, sans avoir à le manager.
Et les inconvénients ?
Anaïs : Je reviens sur la question du contrat. Il doit être bien encadré pour éviter les problèmes et conflits. Il faut un contrat bien rédigé avec un avocat ou un syndicat professionnel pour établir les obligations de chaque partie, la question des statuts juridiques, le matériel, les règles de vie commune, la communication au quotidien… Tout doit être bien ficelé pour que cela se passe au mieux. Autre bémol ? La fidélisation des clients. En effet, si le locataire part, le client part. Il ne vient pas pour le salon mais pour le coiffeur.
Et pour le coiffeur qui loue un fauteuil ?
Laura : La coiffure est un métier artistique. Cela lui permet de rencontrer de nouvelles personnes, de découvrir différents lieux et régions, de sortir de sa routine ! C’est important de rencontrer de nouvelles personnes qui nous animent, même si on a toujours nos habitués qui reviennent chaque mois. Autre atout ? Ce n’est pas évident de faire partie d’une grande équipe, de rallier une dizaine de personnes sur la même ligne et le même mood. La location de fauteuil offre une certaine liberté.
Anaïs : En effet, le coiffeur qui loue un fauteuil gagne en liberté et en indépendance. Je pense que le modèle lui permet de développer sa créativité. Personne n’est là pour lui dire comment faire. J’ai la chance de travailler avec Joris Davoine, qui me laisse cette liberté. Mais ce n’est pas le cas dans tous les salons. Toutefois, cela inclut que tu n’as pas de leadership, pas de cohésion d’équipe, pas de manager. Ce sont des points importants de notre métier. Personnellement, le management m’apporte beaucoup, aussi bien dans ma vie professionnelle que personnelle. Mais pour des gens solitaires avec un caractère fort, cela peut être difficile. Certains coiffeurs ont du mal avec la hiérarchie et ne peuvent pas travailler en équipe.
En quoi la location de fauteuil fait-elle partie de l’avenir ?
Anaïs : Cela peut être un tremplin avant d’ouvrir son propre salon. Louer un fauteuil dans une entreprise donne une idée de la réalité du terrain. Le coiffeur doit gérer ses produits, ses rendez-vous, sa clientèle, ses horaires et son chiffre d’affaires. Cela permet d’ancrer les bonnes habitudes d’un patron. Cela se fait déjà pas mal dans le barbering. Je pense notamment à France Cadillac qui a créé son propre fauteuil pour aller dans des endroits totalement atypiques. Cela fonctionne ! Cette approche nomade de la coiffure va se développer. Le prouve aussi Anthony Mairesse, qui se déplace sur des événements avec sa petite camionnette. Il peut travailler dans les meilleures conditions.
Laura : Je dirais même qu’au-delà de la location de fauteuil la location d’espaces est l’avenir. Nous avons un salon de 200 m2. Pour occuper l’espace et éviter l’effet « vide » lors des temps creux, nous avons décidé de faire venir différents intervenants libéraux : réflexologue, thérapeute, masseuse, bols tibétains… La coiffure est un moment de bien-être. Les clientes apprécient de pouvoir prendre soin d’elles de la tête aux pieds. Elles nous font confiance pour leur coupe. Mais aussi pour les intervenants que nous avons conviés.
Pour conclure…
Anaïs : La location de fauteuil est une bonne alternative quand elle est bien encadrée. C’est une manière souple et moderne d’appréhender le métier, qui répond aux besoins d’indépendance des jeunes. Mais attention : il ne faut pas oublier que cela inclut aussi des responsabilités. S’il y a un souci avec une cliente, par exemple, le coiffeur doit assumer tout seul. Cela peut aussi devenir une source de tension avec le patron qui loue le fauteuil. D’où l’importance de communiquer, pour chaque partie, sa vision du métier et ses attentes.
Laura : Les coiffeurs d’aujourd’hui et de demain doivent s’y intéresser. Je pense qu’il est urgent que les coiffeurs comprennent que nous ne sommes pas concurrents. Nous sommes des confrères. Nous pouvons travailler dans un même lieu sans être concurrents. Nous sommes animés par la même passion.