Le Papier-cheveux de Lorig : une exposition originale dans le salon Tchip à Argenteuil

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Quelle ne fut pas la surprise pour les clientes du Tchip à Argenteuil ce mois de décembre… En poussant la porte du salon, elles ont pu découvrir une exposition des plus originales, Le papier-cheveux. A l’origine, Lorig, 25 ans, de son vrai nom Laurie Demir, détonne dans le milieu artistique. Et pour cause ! Si le papier est tendance auprès de la jeune garde, dans une démarche de transition écologique, elle se démarque en utilisant une matière première originale, le papier-cheveux, répertorié au sein de la matériauthèque, Matério’.




Manager dans le salon qui fournit Laurie en cheveux, Anaïs Leroy a voulu mettre en avant le talent de cette jeune artiste. « Pour beaucoup, les cheveux sont sales. On n’imagine pas tout ce qu’on peut faire avec cette matière. Elle n’est pas assez exploitée ! Nous avons voulu, avec Marie Masson, la patronne, et nos deux collaboratrices, valoriser le travail de Laurie. Et nous avons même suivi son exemple en décorant notre sapin de noël avec des flacons vides de produits Kérastase et L’Oréal. Pour aller plus loin, nous avons créé notre étoile à partir de cheveux recyclés » souligne la manager.

Mais comment est venue l’idée à Laurie de créer du papier à partir de cheveux ? « C’était pendant le confinement et je me suis rendue compte que je n’avais même pas de papier chez moi pour écrire mon attestation de sortie… J’étais donc cloitrée, dans l’impossibilité de sortir. J’ai donc analysé tout ce qui m’entourait pour réfléchir comment fabriquer mon propre papier. Ainsi est venu l’idée du cheveu. Je me suis rasée la tête, j’ai créé mon premier papier-cheveux et j’ai pu sortir de chez moi » nous explique-t-elle.

« J’étais alors étudiante aux Beaux-Arts d’Angers et j’ai décidé de faire de cette matière le sujet de mon mémoire de Master 2 que j’ai obtenu en juin dernier » souligne celle qui se qualifie de « design’hair ». Mais comment procède-t-elle ? « Je ne peux pas vous divulguer tous mes secrets mais j’utilise des liants végétaux pour que la matière reste biodégradable, dans une démarche de transition écologique » précise-t-elle. En poursuivant ses recherches dans le cadre de son mémoire, la jeune artiste a compris toute la richesse de la fibre capillaire.

« Elle était très utilisée par le passé. Hélas, au fil du temps, on a préféré la remplacer par des matières synthétiques et le cheveu est devenu un déchet. Pourtant, dans mes domaines – l’art, le design et l’architecture -, il présente de nombreux intérêts et de possibilités » poursuit Laurie. « Nous sommes 7 milliards sur terre… Pour concevoir un A4, il me faut 10 grammes de cheveux. Le potentiel est énorme ! » Mais son papier-cheveux, en quoi diffère-t-il du papier bureautique classique ? « Il a les mêmes caractéristiques. On peut imprimer dessus. Mais le mien, je peux le raccommoder ! Mais surtout le recycler car il est biodégradable ! »

Au fil de ses expérimentations, elle a découvert encore de nombreuses vertus. « Je me suis rendue compte que face à la lumière, la transparence met en valeur la fibre capillaire. Alors j’ai décidé de créer des objets design comme des « lumin’hair » – comprendre luminaires – ! » souligne la jeune femme pleine d’entrain. Mais pas seulement ! La jeune designer va toujours plus loin. « Je me retrouvais avec des chutes et des brouillons. J’ai décidé de les utiliser pour faire de la marquetterie ! Finalement, mon papier va au-delà de son utilisation première, et il s’inscrit dans une démarche circulaire qui consiste à ne rien jeter. Et comme cette matière est biodégradable, elle peut ensuite être jettée dans la terre. Le cheveu étant une matière organique chargée en azote, il fait un très bon engrais. Je propose d’ailleurs aussi des pots à semis à planter directement dans la terre. »

Plus rien ne l’arrête et le champs des possibles parait sans fin ! « J’utilise aussi la fibre capillaire pour créer des panneaux d’absorption acoustique – cela a été validé par le laboratoire du CNRS pendant mon mémoire. Il existe de nombreux types de cheveux présentant chacun des qualités singulières. On peut également utiliser cette matière pour créer des briques aux vertus isolantes thermiques et acoustiques.

Au début, j’ai autour du papier. Désormais je travaille autour de la matière cheveux. Je poursuis ces différents projets et ils me permettent d’être d’avantage actrice de la transition écologique » précise l’artiste pluridisciplinaire qui récolte aussi les cheveux pour créer ses propres pinceaux quand elle peint. « On peut envisager beaucoup de choses. Par exemple, pourquoi pas faire revivre une personne en créant un pot de semi que l’on plante dans la terre à partir de ses cheveux. Donc en faire une utilisation plus symbolique tout en nourissant la terre puisque la fibre capillaire est un excellent engrais ! »

Détail de taille que l’artiste nous confie au fil de la conversation ? « Je souffre d’alopécie depuis plusieurs années. Cette démarche m’a permis de prendre du recul par rapport à cette gêne. De me libérer de ce poids. L’alopécie m’embêtait, désormais je n’y pense plus ! Je le vis beaucoup mieux. Moi qui portais les cheveux longs, je n’hésite plus à les couper très courts… »

Toutefois, comme vous vous en doutez, Laurie a besoin de matière pour mener à bien tous les projets qui se bousculent dans sa tête. « Je récolte auprès de plusieurs salons à Argenteuil où je vis » précise-t-elle. Vous aimeriez l’aider ? « Je suis preneuse de toute matière première et particulièrement les cheveux longs ou très clairs plus difficiles à trouver. Mais attention : pour les récolter, il faut qu’ils soient triés. Ils ne doivent pas être mélangés à d’autres déchets pour rester naturels, biodégradables et respectueux de l’environnement. Je commence aussi à travailler les poils des animaux, une matière riche également qui permet de gagner en variété de fibres »

La jeune artiste a un autre talent : celui de transmettre sa passion. Sa démarche séduit, tant qu’elle a déjà pu organiser 4 expositions depuis le début de l’année dont un mur de brique exposé à Saumur et celle qui s’est tenue dans le salon Tchip d’Argenteuil. Résultats ? « Les retours ont été très positifs. Les clientes étaient étonnées mais agréablement surprises ! »

L’avenir ? La jeune femme devrait commencer une résidence très prochainement, tout en continuant à exposer son travail au gré des rencontres et des opportunités.

Pour en savoir plus :

Pour en savoir plus : @lorigdesign sur Instagram https://lorig.myportfolio.com/



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