Biblond donne la parole à ses ambassadeurs : Faut-il revoir les programmes de CAP et BP ?

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Juniors , seniors, coloristes, coupeurs, barbiers, coiffeurs studio, patrons, managers… Nos ambassadeurs représentent un joli pêle-mêle des acteurs de la coiffure. C’est pour cela que nous avons voulu les interroger sur des sujets divers et variés, chers à la profession. Aujourd’hui, Emmanuelle Go, gérante de Maison Utopique à Paris et Chloé Vilalta, salon Marcapar à Nantes font le point sur les programmes scolaires. Faut-il tout revoir ? Les axes d’enseignement sont-ils obsolètes ?



Avant toute chose, pouvez-vous nous rappeler votre rapport avec les écoles ? De quand date vos dernières relations avec les programmes scolaires ?

 Chloé : A 37 ans, je suis en reconversion. J’étais prof de danse et j’ai décidé, il y a 3 ans, de me lancer dans la coiffure. J’ai réalisé mon CAP en un an et là, j’arrive à la fin de mon BP, que je fais en alternance avec un salon Marcapar à Nantes, qui compte aussi un centre de formation pour le Grand Ouest. Donc je suis encore en plein dedans !

Emmanuelle : Pour ma part, cela fait 15 ans que j’ai quitté les bancs de l’école. Et j’y suis peu confrontée, n’ayant pas d’apprenti. Mais j’ai quand même des choses à dire par rapport à ce que j’ai vécu. Je me suis rendu compte, très vite, qu’il y avait un grand écart entre ce que l’on nous apprend à l’école et ce qu’est le métier. On n’est pas coiffeur en sortant de l’école, on le devient grâce à l’expérience en salon.

Pourriez-vous approfondir… A quoi tient ce décalage ?

Emmanuelle : Entre ce que j’ai appris à l’école et ce que je fais aujourd’hui, il y a un monde ! Je suis devenue coiffeuse avec l’expérience. Mais aussi parce que je me suis formée sans cesse. Les bons coiffeurs que je connais ne le sont pas parce qu’ils étaient bons à l’école. Certains sont même autodidactes. Curieux, ils se forment et travaillent beaucoup. Un peu comme dans tous les métiers d’ailleurs… Un architecte reçoit une formation de base. Puis il progresse au fil des projets. Il se confronte à la réalité du terrain et à des problématiques qu’il n’aura jamais vues à l’école.

Mais donc les 4 ans de CAP et BP en école ne servent à rien ?

Emmanuelle : Non, je pense que ces années sont précieuses pour apprendre les bases. Notamment pour la partie chimie. Mais aussi pour les rencontres. Quand j’étais en CAP, des gens sont passés pour nous demander si l’on voulait tenter les Meilleurs Apprentis de France. J’ai sauté sur l’occasion. Ça m’a permis de m’entrainer et d’évoluer. De sortir du schéma classique. L’éducation nationale ne peut pas s’adapter à tous.

Chloé : Chaque école est différente. Mais le programme nous permet de connaitre les bases. Même si, grâce à l’apprentissage, c’est sur le terrain que l’on s’enrichit le plus. L’école nous permet d’avoir ce socle de bases solides. Je suis un peu la militante de la classe. J’aime pointer les choses un peu navrantes. Mais aussi reconnaitre ce qui va. Par exemple, on nous fait confiance. On nous laisse couper rapidement sur tête malléable.

Qu’est-ce qui est, selon vous, obsolète, dans les programmes ?

Emmanuelle : Clairement on apprend des choses qui ne servent à rien ou qui ne sont pas réalistes au niveau de la coupe. Le CAP se limite à l’application de couleur, la permanente, une coupe de 3 cm. Il est évident que si on s’arrête là, on n’est pas coiffeur. Encore plus si on fait une école privée sans alternance en salon. La réalité du terrain est essentielle. Dans le métier, le plus difficile, c’est la relation avec la clientèle. A la place, on demande aux élèves de savoir faire une permanente. Alors certes, cela apprend la tension, la précision – chimique et mécanique -, la rigueur. Mais peut-être faudrait-il la laisser seulement à l’examen du CAP. Et passer à autre chose en BP.

Chloé : Pour moi, l’examen final ne correspond en rien à réalité du métier. Certes, les épreuves de transformation technique et de coupe femme sont en adéquation avec le quotidien du salon. Mais l’épreuve forme que l’on tire au sort, permanente ou défrisage, cela n’a plus lieu d’être ! Déjà parce que ces prestations sont rares, mais aussi parce que c’est inutile d’être jugé là-dessus. Elles n’ont rien d’artistique. C’est une succession de gestes bêtes et méchants. En quoi cela valide un futur professionnel ? Même si cela reste utile dans la théorie car ce sont des produits potentiellement dangereux. Les étudier, oui. En faire une épreuve validante, non !

Que faudrait-il alors ajouter aux programmes ?

Emmanuelle : De la psycho, au moins au BP. On nous apprend à vendre un produit sans toucher à l’émotionnel. Si le relationnel et la psychologie ne sont pas maitrisés, on ne sait comment atteindre la cliente. Autre essentiel oublié des programmes ? Toute la partie biologique. Trop de coiffeurs ignorent que les hormones jouent un grand rôle dans la vie des femmes mais aussi sur leurs cheveux. Il ne suffit pas de connaitre les trois phases de croissance. Et c’est aussi lié à l’aspect psychologique. Une femme qui accouche et perd ses cheveux, il faut savoir la guider ! Les dermatologues ne peuvent aider les femmes sur leurs errances capillaires. Et comme les coiffeurs ne répondent pas à leurs attentes, elles cherchent des solutions sur les réseaux sociaux. Si les coiffeurs étaient informés sur la psychologie et l’évolution des femmes, ils pourraient jouer leur rôle de prescripteur.

Chloé : Je ne suis peut-être pas objective car c’est mon domaine, mais je trouve que le végétal manque. En CAP, on survole la coloration végétale puis on approfondit légèrement en BP. Et parfois, les informations données sont fausses ! On nous enseigne que cela ne couvre pas les cheveux blancs et que c’est temporaire. Ce qui est absolument faux ! Autres points importants qui sont survolés et que l’on doit étudier par nos propres moyens ? Les tendances barber mais aussi les cheveux texturés. Même s’il y a une évolution. Des intervenants extérieurs viennent désormais animer des formations courtes sur les balayages et les techniques sur cheveux texturés.

Qu’auriez-vous à dire aux acteurs de l’Education Nationale ?

Emmanuelle : Les programmes n’ont pas changé depuis 60 ans. Et pourtant la coiffure ne cesse d’évoluer ! Dans 5 ans, je pense qu’il n’y aura plus que 20 % de salariés et 80 % de freelances. Les patrons ne veulent plus embaucher et les jeunes ne veulent plus être salariés. Mais comment apprend-on à gérer une entreprise ? Il y aurait moins de fermetures de salon si on apprenait à l’école comment être entrepreneur. La plupart ne savent même pas lire une fiche de paie ! Pas étonnant que les coachs en gestion explosent. Les coiffeurs sont nuls en administration et en gestion car ils n’ont rien appris à l’école à ce sujet.

Chloé : Souvent, ce sont d’anciens coiffeurs reconvertis en professeurs qui nous enseignent. Je pense que ce serait intéressant que des coiffeurs, encore sur le terrain, interviennent et viennent nous transmettre leur savoir-faire car ils ont conscience de la réalité du terrain.

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