Au CREUX de la coiffure N°3 : Ménage à trois

Taille du texte: A A A

Dans le cadre de l’apprentissage, apprentis, employeurs et parents se retrouvent confrontés, et ça peut faire des dégâts si chacun ne prend pas conscience de ses obligations et ne respecte pas celles des autres.

 

Dernièrement en discutant avec un chef d’entreprise, je me suis senti surpris d’un dialogue trop souvent abordé dans notre profession :

  • Demain, je dois rencontrer les parents de mon apprentie pour mettre fin à la période d’essai !
  • C’est une catastrophe à ce point ?
  • Ah non, pas du tout ! Loin de là ! C’est une fille géniale, motivée, dynamique, investie…
  • Mais pourquoi arrêter alors ?
  • Ah non, mais les parents à gérer ce n’est juste plus possible !

Et voilà, encore une fois ce fameux problème des parents à gérer !

 

Certes le gouvernement aide les employeurs au recrutement d’apprentis mineurs par une exonération complète durant la première année, mais ça ne fait pas tout et surtout ça n’octroie pas tous les droits aux parents ! Alors, vous, parents de futurs (ou actuels) apprentis mineurs qui me lisez, je vais vous expliquer certaines choses que vous devez comprendre avant de nous confier vos chères têtes blondes !

 

Être apprenti, c’est mettre un pied dans le monde du travail avec ses avantages et ses inconvénients !

Hélas, il s’avère que, dès la signature du contrat, vous vous dirigez vers Internet pour taper la recherche «  droits des apprentis », car il est bien connu que tous les employeurs sont de tyrans et des exploiteurs de salariés ! Mais avez-vous eu l’idée de taper sur votre moteur de recherche « obligations d’un apprenti » ? Visiblement non, à voir votre comportement ! Alors je vais essayer de vous faire comprendre certaines choses

C’est vrai que l’apprentissage n’est pas facile pour un jeune, mais c’est aussi une satisfaction de pouvoir intégrer une profession aussi passionnante que la nôtre. On essaie d’amener le jeune à explorer au maximum ses possibilités. Être tuteur, ce n’est pas un métier, c’est un sacerdoce !

Mais, être apprenti, c’est aussi un parcours de contraintes et d’obligations par lesquelles il va devoir passer pour accéder au Graal qu’est celui de la réussite :

 

Faire le ménage :

Certes, ce n’est pas plaisant, mais c’est aussi une méthode pédagogique pour faire comprendre à l’apprenti que nous faisons un métier qui prône l’hygiène et la propreté. Et, si ça peut vous rassurer, nous y sommes tous passés et nous sommes toujours vivants !

 

Apprendre à être poli :

Oui, je sais : bonjour, au revoir, merci, avec plaisir… Ça peut sembler naturel, mais il semblerait que, trop souvent, nous devions faire face à vos carences éducatives et à nous retrouver contraints de commencer par leur apprendre les bases de la politesse et du respect.

 

Ne pas être « heuré » :

Vous devez prendre conscience, avant tout, que nous sommes à la disposition des clientes. Nous ne pouvons pas planifier à la minute son temps de passage dans le salon. Alors, si votre « petite tête blonde » se doit de finir à 19h, et, s’il faut rincer la couleur de Mme J’arrive-en-retard à 18h55, votre enfant prendra son repas du soir avec un peu de retard ! Désolé de vous faire attendre dans la voiture, mais en contrepartie pensez que nous ne comptons pas notre temps et notre investissement pour le former !

 

Savoir s’investir : 

Sa formation passe par une période d’apprentissage sur des modèles et pas du jour au lendemain sur les clientes du salon ! La recherche des modèles fait partie des obligations de l’apprenti et d’un soutien de ses parents. Plus il en fera, plus il apprendra, et plus vite il passera sur les clientes ! Et excusez-nous par avance si certains trainings dépassent son temps du planning, mais nous ne sommes pas responsable de la disponibilité des personnes qui auront la générosité de se prêter à l’évolution de votre enfant.

 

Les petits bobos :

Prenez conscience que c’est un métier où nous piétinons sur place toute la journée, où nous ne sommes assis que lors du repas (désolé par avance si nous le réprimandons car il passe plus de temps assis à soupirer qu’à s’investir pour passer le coup de balai ou pour aider ses collègues qui, eux, ne se plaignent pas). Donc le mal de dos, le mal aux pieds, le mal dans les bras font partie de notre quotidien et, comme disait ma grand-mère, c’est le métier qui rentre. Tous ces petits bobos ainsi que le petit rhume du matin ou le petit mal de tête, vous devez le relativiser. Et de grâce, ne cautionnez pas un petit rien pour ne pas se lever pour aller travailler ! Le monde du travail n’est pas une crèche pour apprentis non motivés !

 

Accepter les ordres et les réprimandes :

Il n’y a rien de pire qu’un jeune qui passe son temps à répondre, qui n’accepte pas les ordres, qui est toujours sûr d’avoir raison ! Si chez vous, c’est votre jeune qui fait la loi parce que vous avez baissé les bras, dans le monde du travail il y a un lien qui régit la relation entre l’employeur et le salarié qui s’appelle : un lien de subordination, dont la définition juridique est : « Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. »

Aussi doué que soit « votre bébé » pour coiffer tatie Josette dans la cuisine ou mémé Simone dans sa salle de bain, il n’a pas pour autant la science infuse et savoir apprendre c’est savoir se remettre en cause chaque jour et accepter de voir son travail critiqué ! Nous tolérerons ses erreurs, nous en avons tous fait, mais nous ne laisserons jamais passer un « je-m’en-foutisme » aux réprimandes pour le faire évoluer. Et ça ne sert à rien de rentrer dans le salon en hurlant parce que votre enfant rentre en pleurant car nous avons blessé sa fierté, mais soutenez-nous pour le faire avancer !

 

Même si nous avons un boulot de « merde » avec des contraintes, de la fatigue, des horaires pas possibles, de la rigueur à chaque client, des douleurs dans les jambes et que ce n’est pas un métier où on fait fortune !

Mais à côté de ça, nous avons un métier extraordinaire, enrichissant, où chaque cliente est un instant nouveau, où nous avons la chance de recoiffer le moral toutes les 30 minutes et, luxe suprême, nous vivons de notre passion et on nous paye pour être passionnés !

 

Si vous avez bien compris tout cela, alors bienvenue à votre « bébé » dans notre profession !

 

Les dix commandements de l’apprenti :

 

  • En arrivant, ton portable tu éteindras ;
  • À l’heure tu arriveras ;
  • Ta montre tu oublieras ;
  • Correctement coiffé et présentable tu seras ;
  • Correctement tu te comporteras ;
  • Le sourire et la bonne humeur tu garderas ;
  • Disponible à apprendre tu te devras ;
  • Dynamique toute la journée tu t’obligeras ;
  • En arrêtant de te lamenter, tu grandiras ;
  • Par l’acceptation des critiques, tu avanceras.

 

Les dix commandements du parent d’apprenti :

 

  • Le cordon vous devrez couper ;
  • Avec l’employeur vous vous impliquerez ;
  • Jamais dans le salon vous n’interviendrez ;
  • Qu’il doive faire le ménage vous admettrez ;
  • Les critiques qui font avancer vous comprendrez ;
  • La montre de votre « bébé » vous abandonnerez ;
  • Aux complaintes de votre « tête blonde » vous ne répondrez ;
  • Dans la voiture calmement le soir vous l’attendrez ;
  • Disponible pour ses trainings vous vous rendrez ;
  • Les ordres qui lui sont donnés vous tolérerez ;

 

Les 10 implications de l’employeur :

 

  • Votre « bébé » avec nous grandira ;
  • Un adulte nous en ferons ;
  • Un métier nous lui donnerons ;
  • Notre passion nous lui communiquerons ;
  • Notre savoir-faire nous lui transmettrons ;
  • À notre savoir être nous l’éduquerons ;
  • Vers un diplôme nous l’amènerons ;
  • Sans compter nos heures nous le formerons ;
  • La curiosité nous lui apprendrons ;
  • Sa perfection nous exigerons !

 

Christophe Creux