Shu Ha Ri adapté à la coiffure : le SHU

Taille du texte: A A A

Concept issu des arts martiaux japonais, le ShuHaRi présente les 3 étapes de l’apprentissage.  Dans la coiffure, nous pouvons tout à fait mettre en place ce concept.

Avant tout, je vais vous le présenter succinctement. On peut traduire ShuHaRi  par : suivre les règles, comprendre les règles et transcender les règles.

ShuHaRi peut être vu comme des cercles concentriques (cf Schéma), avec le Shu dans le Ha, le Shu et le Ha dans le Ri. Les techniques et connaissances fondamentales ne changent pas. Dans la phase Shu, l’étudiant n’est pas encore prêt à explorer différentes voies.

Shu (守 : « protéger », « obéir ») – sagesse traditionnelle – apprendre les fondamentaux

Le Shu est un des moyens afin que le savoir-faire, le savoir-être ne se perdent pas et ne s’étiolent pas. On se concentre sur la tâche que l’on doit réaliser pour être en mesure de copier la technique. Dans les arts martiaux : « le disciple se doit de suivre aveuglément l’enseignement de son Maître ».

Ha (破 : « se détacher », « digresser ») – casser avec la tradition – trouver les exceptions à la sagesse traditionnelle, trouver de nouvelles approches

C’est une chose de connaître le chemin, c’en est une autre de marcher dessus. Aller à la piscine pour nager et comprendre l’utilité de chaque nage sont deux choses complètement différentes. Le Ha, c’est comprendre ce qui se cache derrière ; on peut faire le lien avec d’autres pratiques et voir les limites de l’une ou l’autre.
  Dans les arts martiaux, le pratiquant peut, à ce stade, prendre une grande liberté sur les formes apprises, connues.

Ri (離 : « quitter », « se séparer ») – transcender – il n’y a pas de technique ou de sagesse traditionnelle, tous les mouvements sont permis

Le Ri est le moment tant attendu par le coach et le coaché : le coach voit son élève prendre son autonomie et revenir vers lui avec sa propre vision des choses. Ils sont désormais en position de partages parallèles. Le coaché est devenu libre de créer. Dans les arts martiaux, le pratiquant est désormais libre de ses choix et de ses orientations car il est devenu son propre guide.

C’est donc par le Shu de notre métier que je vais commencer… Je dédierai un autre post au Ha puis un suivant au Ri.

Bien souvent, j’entends de jeunes et de moins jeunes coiffeurs se plaindre de la formation initiale qu’ils ont reçue ! Je peux tout à fait les comprendre… quand on nous impose des techniques qui ne sont même plus adaptées ni objectives à ce jour.

Le bât ne blesse pas forcément dans les techniques, mais bien dans la façon dont nous les communiquons aux autres. Les coiffeurs se trompent bien souvent, car ces techniques, il faut aussi les connaître et les maîtriser avant de vouloir aller plus loin…

Pire, on oublie l’espace-temps…

Plus les années passent, plus nous voyons arriver sur le marché de la coiffure des gens qui prennent des raccourcis pour obtenir leur examen !

CAP en 6 mois, 1 an… BP en 1 an et pour finir Bac Pro en 1 an… Alors si vous voulez connaître mon opinion, je pense vraiment que nous faisons fausse route. Que le savoir faire d’un maître d’apprentissage a été acquis tout au long de sa carrière et qu’il ne peut se transmettre en si peu de temps.

Et là, je jette un pavé dans la mare si je dis qu’un apprenti doit avant tout chercher et trouver le maître qui lui convient.

Je suis aux antipodes du système qui existe actuellement, notamment en France. Je crois réellement en l’apprentissage, je crois en la transmission des savoir-faire, des savoir-être, des savoir-devenir, etc. J’ai toujours cru et je crois encore à la formule de la synergie 1+1=3 : 1 savoir + 1 autre savoir = un nouveau savoir. Mais pour cela, il faut du temps, de l’implication de la part des deux parties (maître et élève). Le maître, avec ses savoirs acquis et maîtrisés, et l’élève avec ses fougues, son esprit neuf et logique.

Un jour, lors d’une réunion très importante, j’ai entendu un responsable en communication d’entreprise demander aux patrons de salons de coiffures de ne plus embaucher d’apprentis, car cela coûte trop cher ! Après démonstrations et calculs savants, il a su mettre le doute dans l’esprit de tous ces artisans. C’est sûr, à court terme, il avait raison… Devant ses calculs, ces coiffeurs ne pouvaient rien dire.

Au cours de cette réunion, je suis apparu encore une fois comme un perturbateur de première classe ! J’ai osé lui dire que sa théorie était fausse pour des entreprises comme les nôtres où le savoir devait être transmis d’homme à homme et pas seulement par des cours théoriques. Explications : dans les arts martiaux, le Shu c’est d’abord du temps, toujours du temps, à faire et refaire les gestes du maître pour les acquérir à la perfection.

Nous voulons, nous aimerions voir des jeunes coiffeurs sortir des sentiers battus. Alors, donnons-nous du temps pour les former et payons tous le prix pour atteindre ces objectifs.

Pour ma part, je n’ai jamais quitté cette vision et je mets un point d’honneur à mettre en place dans nos salons cette façon d’appréhender l’apprentissage des futurs jeunes et moins jeunes coiffeurs (nous sommes fiers des résultats de nos formés).

Nous établissons avec eux une photo de leurs compétences et nous construisons un plan de formation et de carrière avec des étapes temporelles afin que chacun puisse savoir qui, quoi, où, quand, comment, combien, pourquoi ils doivent acquérir toutes ces choses.

J’aimerais pouvoir participer au renouveau de l’apprentissage de notre merveilleux métier, afin de donner mon avis avec d’autres sur la transmission des compétences.

J’aimerais aussi que nous puissions organiser des réunions avec des enseignants, des entrepreneurs, des maîtres, des artistes, des maisons de produits capillaires, des sociologues, des politiques pour réécrire une page de la coiffure française.

En attendant de vous écrire la suite sur le Ha, j’attends vos réactions et vos idées !

Je vous souhaite de très belles choses pour 2013.

À Lire aussiLes autres articles d’Eric Léturgie