Faut-il louer ses postes de travail pour pallier aux problèmes de recrutement ?

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Face à la pénurie de candidats, les patrons sont de plus en plus nombreux à être tentés par la location de fauteuil. Pour le locataire, un indépendant, souvent sous le statut de micro-entrepreneur, cette solution permet de remplir l’agenda en gardant une certaine flexibilité. Mais attention, si cela peut paraitre l’option idéale, elle a ses limites !

Mais déjà, quelle est la législation à ce sujet ?

« Louer un fauteuil à un coiffeur indépendant dans un même espace est valable uniquement si les deux activités, celle du loueur propriétaire et celle du locataire coiffeur, sont complétement indépendantes dans un cadre donné. Pour éviter tout travail dissimulé par la location d’un fauteuil, la règlementation est très claire en ce sens. En effet, la location d’un fauteuil pourrait être requalifiée en contrat de travail si l’on considère qu’il existe des liens de subordination entre le propriétaire loueur et le coiffeur indépendant locataire. Par exemple, le loueur ne peut pas exiger du coiffeur locataire de respecter un horaire de travail, il ne peut vérifier sa présence ou contrôler son travail de quelque façon que ce soit… » lit-on sur le site d’Hygiène Plus.

Contacté par Biblond, Stéphane Amaru est formel :

Selon lui, la location de fauteuil dessert l’ensemble de la profession. « Il y a une législation mais pour le moment, pas de contrôle ! » Toutefois, le « formateur hybride » à la tête de son académie, Stephane Amaru Éducation Pionnière, rappelle les risques pris par le bailleur. « Si un lien de subordination est démontré – ne serait-ce si le freelance coiffe une cliente du salon ou utilise les produits de l’entreprise -, le patron sera responsable et pourra être inquiété pour travail dissimulé. Le freelance est un salarié déguisé. Le bailleur est aussi responsable de la déclaration fiscale de son locataire. Et si le freelance vient souvent dans le salon, de surcroit avec des papiers pas forcément en règle, il fera partie du bail. »



Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?

« Certainement pas, poursuit-il. Un collaborateur en CDI rapporte largement plus de chiffres d’affaires qu’une location de fauteuil. » Pourtant, la pratique se développe depuis déjà plusieurs années, accentuée par le crise sanitaire et les difficultés à recruter par manque de candidats. Des sites dédiés voient même le jour. 

« Certains patrons, qui ne veulent plus embaucher parce qu’ils ne savent pas manager, vont jusqu’à démarcher des salariés en CDI pour leur vendre les mérites de l’autoentreprise. C’est de la concurrence déloyale pour ceux qui investissent dans des contrats durables. Et ce n’est pas honnête pour les salariés qui peuvent se laisser séduire par une liberté et une flexibilité » souligne l’auteur de la tribune « Est-ce que j’exagère » dans le magazine Biblond. « Il faut rappeler que le statut d’autoentrepreneur a ses failles. Finalement, en louant un fauteuil, on devient un salarié sans droits. Oubliez les congés payés ou la cotisation à la retraite » prévient-il avant de s’alarmer. « C’est un appauvrissement direct de toute la profession qui est en train de se répandre. Un mauvais système se met en place par manque de contrôle » pointe-t-il en invitant les syndicats à se pencher sur la question. 

Côté salarié, à l’heure où les jeunes ne rêvent que de liberté, Stéphane Amaru leur rappelle que le CDI a de nombreux avantages à ne pas négliger. « Outre les droits du salarié, un contrat rassure une banque en cas d’achat immobilier. Rappelons aussi que pendant les fermetures imposées par le Covid, les salariés ont touché leur salaire. Ils étaient protégés contrairement aux freelances qui ont reçu de bien moindres compensations. » 

Mais alors qu’a-t-il à dire à ceux qui voit dans la location de fauteuil une solution aux difficultés de recrutement ?

« En réalité, c’est une anti-solution. Une rustine. Pour le bailleur, c’est une perte de chiffre d’affaires terrible. Louer un fauteuil rapporte bien moins que d’embaucher un CDI. Louer un espace, c’est aussi prendre le risque que le freelance fidélise votre clientèle qu’il coiffera ensuite à domicile » prévient Stéphane Amaru pour qui sauver le CDI est devenu une urgence. 

Mais alors, quelles solutions apporte l’ancien patron ?

« Avant tout, il faut bien payer ! », rétorque-t-il avant de rappeler que tout salaire est soumis au coefficient de 3,4 (cf sa tribune dans le Biblond 95). Au-delà de l’aspect financier, Stéphane Amaru reproche aux entrepreneurs de n’avoir su anticiper les mutations de la société et surtout de ne pas faire leurs devoirs. « Il faut se faire connaitre, créer ses collections, contacter la presse, être le meilleur de sa ville, participer aux grands rendez-vous de la profession, être actif sur les réseaux sociaux pour donner envie aux jeunes de venir dans son salon. Ceux qui font leur travail ont des candidats en liste d’attente ! » `

Mais qu’attendent les nouvelles générations d’un patron ?

« Elles veulent de la flexibilité, certes. Mais ce qu’elles veulent avant tout, c’est une culture d’entreprise, une famille, un lieu où s’épanouir. Et plus qu’un manager, ils cherchent un leader, un mentor. » Car le problème aujourd’hui, finalement, ce n’est pas tant de recruter des collaborateurs mais de les fidéliser. « Les salons ne gardent pas leurs salariés. Pourquoi ? Parce que bien souvent les patrons gèrent leur affaire au doigt mouillé. Ils ne proposent pas un plan de carrière. Si bien, que, très vite, la recrue à l’impression d’avoir fait le tour et elle s’en va. »



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