L’ethnique, c’est chic !

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Le marché des cheveux crépus et frisés est en plein boom : élargir sa clientèle, c’est possible ! L’ethnique, un marché à saisir. Et si vous ouvriez les portes de votre salon à la clientèle aux cheveux frisés ou crépus ? Si cela demande une bonne dose de formation, c’est une niche particulièrement intéressante.

Bien qu’il ne soit pas permis en France de dresser des statistiques ethniques, il suffit d’un peu de jugeote pour savoir que le marché des cheveux frisés ou crépus est porteur. La clientèle augmente démographiquement et ses habitudes évoluent.

« Toutes les femmes ne veulent pas aller se faire coiffer à Strasbourg-Saint-Denis !, s’exclame Alexis Rosso, coiffeur ambassadeur de la marque Mizani. Je dirais que 50 % des femmes souhaitent fréquenter des salons plus haut de gamme, moins “ghettoïsé.” » Une belle opportunité pour les coiffeurs !

Indépendants et grands groupes l’ont bien compris et ciblent cette clientèle. « On assiste petit à petit à la multiplication de salons moyens et haut de gamme, positionnés sur la coiffure ethnique, observe Meriem Dadou, adjointe à la direction pour la formation tout au long de la vie de la Fédération nationale de la coiffure (FNC). C’est signe qu’il y a une demande ! Plusieurs réseaux, mais aussi des indépendants, accueillent désormais ce segment de clientèle. »

Le groupe Jean-Claude Aubry a investi ce créneau dès 1997 avec sa marque Coiffeur du Monde, qui propose une offre de services multiethniques. En 2008, Franck Provost lançait Niwel, une enseigne spécialisée (lire l’interview de Laura Carles), qui se lance depuis cette année en franchise.

Le naturel revient au galop

De plus en plus de femmes choisissent de garder leurs cheveux naturels, d’assumer leurs cheveux crépus. Elles refusent le diktat du défrisage, des rajouts ou du tissage. Baptisées « Nappy » (contraction de natural et happy), elles s’inspirent du livre de la sociologue Juliette Smeralda, Peau noire, cheveu crépu : histoire d’une aliénation.

La blogueuse Nappy Girl a opéré un retour au naturel depuis 2009 et l’explique ainsi : « Ma réflexion de départ était simple : après tout, pourquoi me défriser les cheveux alors que ce produit est néfaste ? Mais cela va plus loin : je me suis retrouvée. C’est avant tout un choix personnel. Je pense qu’il s’agit d’un phénomène de société. »Sur son blog, la jeune femme délivre de précieux conseils sur les produits, les soins, les tendances, etc.

Lien : http://www.journalnappygirl.com

Des clientes très consommatrices

« Ces populations dépensent beaucoup dans les produits cosmétiques, cela en fait assurément une nouvelle cible très prometteuse », rajoute Meriem Dadou. D’après Soft Sheen-Carson, filiale de L’Oréal, une femme noire utilise neuf fois plus de produits capillaires et cinq fois plus de produits de soin qu’une femme blanche dans les mêmes conditions (selon une étude menée par l’institut Ak-a).

« C’est une culture totalement différente, souligne Laura Carles de Niwel. Les défrisages et les soins, c’est 80 % de notre chiffre d’affaires. Naturellement, les femmes aux cheveux crépus ou frisés ont le cuir chevelu et les cheveux très secs. Cela demande de multiples soins. En général, nos clientes viennent pour un défrisage puis un soin. Elles reviennent une semaine après pour un autre soin, puis pour une coloration.

Il faut savoir que même des femmes aux revenus modestes sont prêtes à dépenser beaucoup pour leurs cheveux. Cela fait vraiment partie de la culture. » Résultat, des clientes avides de produits de revente. Niwel dépasse d’ailleurs toutes les autres marques du groupe Franck Provost en termes de revente.

Par ailleurs, ces clientes sont extrêmement fidèles à leur coiffeur : « Dans nos salons, si une coiffeuse prend ses congés, ses clientes vont attendre qu’elle revienne de vacances pour se faire coiffer ! », s’amuse Laura Carles.

Un phénomène qu’explique la blogueuse Nappy Girl par la difficulté de trouver un coiffeur compétent : « Il est toujours assez difficile de trouver des salons de coiffure avec des professionnels qui savent parfaitement coiffer et manipuler le cheveu crépu. Un comble ! », s’exclame-t-elle.

Comment répondre aux exigences de cette clientèle ?
L’importance de la formation

Il est vrai que de nombreux coiffeurs ignorent totalement les techniques propres au cheveu frisé. « Je reçois beaucoup de clientes envoyées par d’autres salons qui les ont refusées », confie Dorah, coiffeuse studio de renom, à la tête d’un salon parisien très prisé. Pour attirer cette clientèle, la première solution consiste donc à embaucher un collaborateur spécialisé. Bien entendu, les coiffeurs ayant eux-mêmes le cheveu frisé ou crépu connaissent bien ces techniques, et ce sont eux les plus qualifiés.

« 80 % des coiffeurs des salons Niwel sont d’origines métissées, confie Laura Carle, chef de marque. Ils coiffent ces cheveux depuis leur enfance, connaissent la culture… Et puis, c’est un fait : la cliente fait davantage confiance à un ou une coiffeuse qui a les mêmes cheveux qu’elle. Cependant, de plus en plus de coiffeurs aux cheveux caucasiens ont envie de se spécialiser dans l’ethnique. » Moralité : il est encore temps de vous lancer !

Il existe de multiples formations pour ceux d’entre vous qui auraient envie de découvrir l’univers des cheveux frisés et les techniques adaptées à ce type de cheveu. La FNC propose par exemple une toute nouvelle formation dédiée à la coiffure ethnique, en Martinique puis à Paris. « L’objectif est de mettre à l’honneur une approche croisée des regards et des savoir-faire pour des publics de professionnels ayant des cultures différentes du métier de coiffeur », précise Meriem Dadou. Plus de cent personnes devraient suivre cette formation.

À Paris, Form’Asthair propose des formations pointues sur la pose de lace wig (perruque indétectable), le tissage ou le tressage. Dorah propose également des stages de découverte du cheveu afro, qui aboutissent sur un book photo. À Bordeaux, Ebène propose des stages de coiffure afro-antillaise, inspirés des tendances du moment.

L’importance de la communication

Une fois formé, il est essentiel de communiquer afin de capter la clientèle aux cheveux frisés, crépus ou métisses. « En vitrine, il faut impérativement mettre en avant des visuels avec des cheveux frisés, que ce soient ceux d’une marque ou des visuels personnels », indique Alexis Rosso.

Certains coiffeurs n’hésitent pas à écrire sur la vitrine que le salon compte un expert des cheveux frisés ou afros, cela peut être utile. Enfin, sachez que le bouche-à-oreille compte beaucoup : n’hésitez pas à faire venir des blogueuses par exemple, elles pourront relayer l’information et faire de vous un nouvel expert des cheveux frisés !

Virginie de Rocquigny

* Taj, invité à la rédaction :

« À l’heure où tous ne parlent que de mondialisation, l’univers de la coiffure hexagonale fait sa petite révolution. La coiffure afro n’est plus le parent pauvre, elle a entamé un virage à 180°.

La très forte médiatisation d’icônes majoritairement afro-américaines véhicule une image de mode très pointue. Le pouvoir prescripteur des jeunes tribus est scruté et décrypté par les gourous du marketing, la frénésie de consommation de la population afro ne laisse pas indifférent.

Ce constat est à mon sens le moteur qui alimente le développement de ce secteur. La clientèle afro est une niche qui rapporte. Chers confrères, souvenez-vous de ma devise : « Il n’y a pas de cheveux difficiles, il n’y a que des techniques à apprendre. » »

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