Je travaille pour mon salarié !

Travailler pour son salarié
Travailler pour son salarié
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Lors de mon cours de management annuel, un cas d’école s’est présenté : j’ai découvert comment un entrepreneur peut être « racketté » par son salarié depuis des années en toute légalité…

L’histoire que je vais vous raconter démontre le paradoxe français auquel des milliers d’entrepreneurs sont confrontés : devoir travailler pour les gens qu’ils rémunèrent, quitte à ne pas se payer eux-mêmes ! Tout ça simplement pour avoir cru bien faire, et avoir voulu garder trop longtemps un salarié sans ambition…

Claire est une dynamique chef d’entreprise du sud de la France, issue d’une famille de coiffeurs, elle aime son métier, se forme régulièrement et a une clientèle fidèle depuis des années. Elle travaille sans relâche. Tout semble parfait et pourtant quelqu’un dans son salon vient entacher son amour du métier. Quelqu’un qui n’est pas près de partir ! Claire a repris le salon de ses parents comme beaucoup d’enfants de coiffeurs. Dans l’entreprise, il y a Jacques, un salarié que ses parents ont eu comme apprenti et qui travaille comme coiffeur depuis quinze ans. Ce n’est pas le meilleur coiffeur, il est exigeant sur ses horaires, ne souhaite pas se former. Il est bien comme ça et prétend qu’il n’embête personne !

À chaque salaire son Chiffre d’affaires

Quand Claire a repris le salon, elle a tout naturellement gardé Jacques dans les effectifs. Une dizaine d’année plus tard, Jacques est toujours là, bien sûr ! Il a vieilli et son chiffre d’affaires oscille entre 4 000 et 5 000 euros TTC par mois. Mais avec vingt-cinq années d’ancienneté, son salaire est maintenant de 2 400 euros net.

il faut plus de 5 700 euros de chiffre d’affaires TTC pour couvrir un salaire au Smic, ce n’est pas rentable ! Jacques, de toute façon, n’a jamais été « rentable ». Tout au long de sa carrière, ce sont ses patrons qui ont travaillé pour combler son salaire. Claire travaille donc pour lui depuis près de dix ans ! Impensable ! Le licencier après vingt-cinq ans de métier, c’est un prud’homme assuré et perdu d’avance. Il ne veut pas reprendre le salon et il ne partira jamais car, ailleurs, il perdrait son ancienneté et se retrouverait avec un salaire adapté à sa production, soit un Smic. La solution aujourd’hui pour Claire serait d’arrêter l’activité et de revendre le salon de ses parents à un autre commerce. Difficile à avaler…

Est-ce que j’exagère ?

Faut-il éviter de garder un coiffeur longtemps dans le salon ?

Question que peu de gens se posent ! En général, on se demande plutôt comment faire pour les garder longtemps ! Pourtant… D’après mon expérience, un salarié qui ne s’entraîne pas et n’évolue pas ne devrait pas passer plus de cinq ans dans l’entreprise. Pour ceux qui évoluent jusqu’au management dans le salon et se montrent impliqués, c’est dix ans au maximum. Après, l’idéal est d’envisager de s’associer. Les droits des salariés et le social ne poseraient pas de problème si les droits des entrepreneurs étaient égaux à ceux des salariés. À l’heure actuelle, on risque de faire de nos meilleurs entrepreneurs les nouveaux esclaves économiques… Alors, depuis combien de temps votre plus ancien salarié travaille-t-il pour vous ? Ou vous pour lui, devrais-je dire…